À Boussu, une ophtalmologue profitait des examens pour voler ses patients : « Elle utilisait ma carte pendant que j’avais les yeux dilatés »
- Info Mons

- il y a 19 heures
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Une ophtalmologue exerçant dans la région de Boussu a reconnu avoir abusé de la confiance de seize patients. Son mode opératoire était toujours le même : pendant que les gouttes ophtalmiques faisaient effet, elle subtilisait discrètement une carte bancaire ou de paiement et effectuait ensuite des achats sans contact, notamment au Cora voisin.Trois victimes ont livré leur témoignage devant la chambre Eco-Fin du tribunal de Mons.
Ce vendredi, Marietta (prénom modifié) se présente comme partie civile, accompagnée de deux autres patients. Elle raconte avoir été à l’origine du dossier. « C’était vers la mi-2023, lors d’un examen de la vue au centre médical Discca, à Hornu. J’avais demandé que mon mari puisse entrer avec moi, mais la médecin a refusé. J’ai pensé que c’était encore une règle liée au Covid. »
Installée face au tableau de lecture, Marietta laisse son sac ouvert à côté d’elle. « Pendant que je regardais l’écran, je l’ai vue fouiller mon sac et prendre mon portefeuille. Je me suis levée en criant. À l’accueil, elle a inversé les rôles en m’accusant moi. Les gens me regardaient comme si j’étais la voleuse… »Par la suite, elle apprend que d’autres patients ont vécu la même situation. Ensemble, ils déposent plainte. La médecin sera finalement écartée du centre.
Des paiements retracés grâce aux cartes de fidélité
Une autre victime, Betty, est présente avec son époux. « Après les gouttes, elle m’a demandé d’attendre un quart d’heure. J’ai ensuite constaté la disparition de ma carte Edenred. Elle s’en est servie au Cora pour plus de 160 euros. »Ce n’est qu’en décembre 2023 que la police la contacte pour l’informer qu’une enquête vise l’ophtalmologue.
L’erreur de la praticienne ? Utiliser simultanément la carte de paiement volée et sa propre carte de fidélité, permettant de l’identifier clairement sur les images de vidéosurveillance.
Le parquet a requis une suspension du prononcé, estimant qu’il s’agit d’un dérapage isolé, tout en soulignant la gravité morale des faits :« Les patients se confient à leur médecin, ils sont en situation de vulnérabilité. La relation repose sur une confiance renforcée, liée à la mission même de la profession. »
« J’ai cru devenir malade »
Lucette, 71 ans, livre un témoignage poignant. « J’ai d’abord cru que mon fils avait pris ma carte… puis je me suis demandé si je ne perdais pas la mémoire. Mon fils est décédé l’an dernier. »En examinant ses extraits de compte, elle constate que les paiements correspondent exactement à l’heure de ses consultations. Sa fille l’aide à faire le lien.
« Elle pensait plus au portefeuille qu’au diagnostic », déplore cette dernière. « Et dire qu’elle se plaignait à la télévision de ses horaires… Elle gagnait bien mieux sa vie que les personnes qu’elle a volées. »
Les regrets de la prévenue
À la barre, la médecin reconnaît les faits. « Je regrette profondément. Je traversais une période très difficile. Je regrette surtout que cela vous soit arrivé », dit-elle aux victimes.Elle se dit prête à rembourser, mais uniquement les montants qu’elle juge justifiés, contestant les demandes d’indemnisation morale et les frais liés aux démarches judiciaires.
Son avocate, Me Valentine Crombé, explique que sa cliente a revu ses ambitions professionnelles à la baisse : « Elle ne se réalise plus exclusivement dans son travail. Aujourd’hui, elle exerce uniquement dans son cabinet privé, dans la région de Charleroi. »
Le tribunal tranchera.


